La philosophie de la religion.
La philosophie de la religion consiste à étudier les dogmes religieux, de manière critique, à la lumière de la raison. Il s’agit donc de mettre en pratique le concept de libre examen en étudiant les sujets de la pensée sans jamais les soumettre à un dogme. Dans ce cadre, j’ai choisi de parler de la conception de Dieu chez Marcion de Sinope.
Contexte historique et aperçu biographique.
Considéré comme hérétique, Marcion n’est connu qu’à travers les écrits hostiles des Pères de l’Église. Son œuvre a probablement été détruite. Marcion est né vers 85 à Sinope dans le Pont, au nord de l’Asie Mineure. Il serait le fils de l’évêque et aurait exercé la profession d’armateur. Il a séjourné à Rome au milieu du IIème siècle et est entré en conflit avec l’autorité ecclésiastique vers 144. Il aurait été excommunié et serait ensuite retourné en Orient sans que nous ayons de témoignages sur ce que fut la fin de sa vie. Sa doctrine, le marcionisme, qui est à l’origine d’une Église dissidente, a été l’objet d’une importante controverse théologique de la part des Pères de l’Église pendant la seconde moitié du IIème siècle.
Théologie de Marcion de Sinope.
La littérature patristique antimarcionite fournit un contre-témoignage par lequel nous avons une idée de la théologie de Marcion de Sinope.
La nature de Dieu.
Deux dieux s’opposent. L’un est le dieu juste. C’est le dieu dont il est question dans la Bible juive. Il est le dieu créateur de l’univers à partir d’une matière préexistante. Il est le créateur de l’homme. C’est un dieu de justice, un despote exigeant. L’autre est un dieu supérieur au premier. C’est un dieu bon qui ne juge pas et qui ne punit pas. Jusqu’à l’arrivée de Jésus Christ, seul le dieu juste et vengeur intervenait dans notre monde. Le dieu de bonté ne s’est manifesté qu’en sa révélation en Jésus Christ pour libérer les hommes du dieu créateur et leur apporter le salut. Le dieu créateur, juste et vengeur est le dieu des juifs. Le dieu de bonté est le dieu universel révélé en Jésus Christ. Jusqu’à l’incarnation, le dieu créateur ignorait l’existence du dieu de bonté.
La nature du Christ.
Jésus est le Fils du dieu supérieur. C’est un être spirituel à peine distinct du Père. Cette compréhension est proche du docétisme, doctrine pour laquelle l’homme Jésus n’est qu’une illusion. Selon Marcion, il n’y aurait pas eu de naissance de Jésus qui serait apparu spontanément sous sa forme adulte. Le Fils de Dieu, le dieu supérieur, a manifesté sa divinité par ses prédications et ses miracles. Apprenant l’existence du dieu supérieur, le dieu créateur va livrer Jésus à ses persécuteurs. La mort de Jésus sur la croix assure le salut aux hommes en permettant au dieu supérieur de les racheter au dieu créateur. Ceux qui croient en Jésus Christ sont sauvés par leur foi, du moins leur âme puisque la matière est promise à l’anéantissement.
La morale.
La morale est celle prônée par Jésus dans les béatitudes. C’est la loi d’amour qui s’oppose aux prescriptions de la Torah. Marcion refuse de perpétuer le monde du créateur. Il propose donc une morale ascétique où le mariage et la procréation sont prohibés. Les épreuves sont acceptées jusqu’au martyre.
Les Écritures.
Marcion considère que l’Église s’est éloignée du message de l’Évangile. Très logiquement, il rejette la Bible juive, qu’il considère comme l’« Ancien » Testament, ainsi que tous les textes des Évangiles et des Épîtres susceptibles d’interprétations judaïsantes. Il ne conserve du Nouveau Testament, qui n’est pas encore constitué, que l’Évangile de Luc, privé de ses premiers chapitres, ainsi que dix Épîtres de Paul. Il y ajoute un texte rédigé par lui, les Antithèses, dont il ne reste aucune trace aujourd’hui. Cette position radicale du marcionisme est ce qui a laissé le plus d’influence dans l’Église. L’habitude de distinguer l’Ancien du Nouveau Testament remonte à Marcion. Mais surtout, elle a conduit l’Église à définir un canon définitif des textes chrétiens qui constituent l’actuel Nouveau Testament.
Les influences de Marcion de Sinope.
On peut clairement distinguer deux influences majeures dans la théologie de Marcion de Sinope. Un paulinisme qu’il radicalise et un gnosticisme qui constitue le substrat de sa pensée.
Le paulinisme.
Paul de Tarse fut le premier théologien chrétien. Son enseignement était centré sur le rôle de Jésus Christ dans l’économie du salut. Paul entra en conflit avec les judéo-chrétiens au sujet des lois juives qui, selon lui, n’étaient plus applicables. Il favorisa l’entrée dans l’Église des non-juifs.
Le gnosticisme.
Le gnosticisme chrétien connut son apogée au IIème siècle, époque de Marcion. Il se caractérise par une dualité entre un dieu bon et un démiurge mauvais ou imparfait. Ce dualisme se traduit par une prééminence de l’esprit sur le corps, ce dernier étant mauvais. Cette interprétation conduira les gnostiques à une ascèse, voire même à un mépris du corps les conduisant naturellement au martyre. Pour les gnostiques chrétiens, Jésus est le Fils du dieu bon qui est chargé d’apporter la gnose, la connaissance, aux hommes. D’après ses détracteurs, Marcion aurait été l’élève de Cerdon, un gnostique syrien, alors qu’il séjournait à Rome.
L’interprétation du marcionisme.
Condamné au IIème siècle par l’Église, le marcionisme n’a été réhabilité qu’au XXème siècle par l’historien des religions et théologien protestant Adolf von Harnack. Celui-ci rejetait l’accusation de gnosticisme, dont on avait toujours affublé Marcion depuis les Pères de l’Église, pour ne garder que l’influence paulinienne. Selon Harnack, Marcion n’était qu’un disciple radical de Paul de Tarse et il était inconcevable que Martin Luther n’ait pas été jusqu’au bout de sa Réforme en acceptant les thèses de Marcion. Historiens et théologiens considèrent cependant que le marcionisme est bien un avatar du gnosticisme sans toutefois l’insistance apocalyptique qui caractérise généralement les mouvements gnostiques.
Ouvrages consultés
BRAUN René, Marcionisme, in LACOSTE Jean-Yves et al., Dictionnaire critique de théologie, PUF, Coll. Quadrige, Paris, 2002 (1998).
ELIADE Mircea, Histoire des croyances et des idées religieuses, Vol. II, Payot, Paris, 1978.
TARDIEU Michel, Marcion et la rupture radicale, in BASLEZ Marie-Françoise et al., Les premiers temps de l’Église, Gallimard, Coll. Folio-Histoire, Paris, 2004.
24 septembre 2015 à 11:35
Oh qu il avait raison a part peut etre sur la naissance de Jesus fait homme!
Il fut traite a tort d heretique , alors qu il etait un eleve assidu de Jean l apotre